samedi 28 juillet 2012

JOUR 42 : HORNILLOS - ITERO DE LA VEGA

32km - Temps de marche : 7h30


"...bitten by desire and despair, 
that leaves you stranded out, 
on the other side of town."
Calexico - "The Ride part II"

"Sun screen" - Selfpic - GoPro2

"PORTE DU SOLEIL"
Si on m'avait endormi puis déposé en ce début d'après midi au milieu du village sans indices, je n'aurai pas su dire si j'étais en Espagne ou dans quelque "pueblo" perdu au milieu du Mexique. Arrivé à 13h à Itero de la Vega, bled paumé entre Burgos et Carrion, après 32 bons kilomètres de marche, je cherche un souffle de vent en déambulant dans les ruelles désertes, ma journée dédiée au repos et à l'attente du départ le lendemain. J'aurais pu marcher plus, encore plus, quelques kilomètres seulement...


Le soleil écrasant rend l'air épais, vibrant de sa température presque intolérable à cette heure de l'après midi. Les routes transpirent leur macadam et au loin leur tracé  semble irréel tant les mirages de chaleur les rendent liquides. Pas un bruit, pas un mouvement. Tout est figé, plantes, hommes et animaux économisent le moindre effort en attendant les températures plus clémentes de la fin d'après-midi.
Depuis 3 jours le "Camino" me mène de hauts plateaux en hauts plateaux, à 800 mètres d'altitude, là où les cultures brûlent et la peau rougit en profondeur si on ne se garde de les exposer trop longtemps. Parti à 6h du matin je me suis faufilé entre les rayons destructeurs du soleil, et d'un pas rapide j'ai parcouru ces plateaux vides jusqu'à mon étape du jour. Et si la nuit d'hier nous a gratifiés d'un orage digne de ce nom, qui nous aura à tous valu de dormir à crédit, la pluie battante n'aura suffit à rendre boueux le chemin que jusqu'au petit matin. La chaleur seule maitre en ces lieux a vite fait d'évaporer cette humidité téméraire, dès le soleil en place sur l'horizon. 


"Prayer box" - San Anton - GoPro2

Paradoxalement c'est à ses moments les plus intenses que je préfère la chaleur espagnole. Alors que le chemin se vide de ses pèlerins à partir de midi, jusqu'à 16h en moyenne, j'en profite pour m'approprier le sentier, sa chaleur, sa solitude et son implacable exposition au soleil. Cette chaleur me stimule. Plus elle m'écrase, plus mon désir de marche se tranforme en désir de lutte. Comme un guerrier à la charge d'une bataille, l'adrénaline jugule la peur, le doute, la fatigue, et je prends la route comme un défi, les sens en éveil, le coeur bien au frais dans son carcan de détermination. 
Alors je coupe la notion du temps, ne restent que les pas, réguliers, mesurés, automatiques. 






Le soleil et moi avons appris le même language, et notre joute verbale ne cesse de s'affiner au fil des jours. Je sais qu'il me veut, mais il ne sait pas que sa force est la mienne. Alors j'avance plus loin comme pour toucher son disque d'or du bout des doigts et le laisser m'emporter plus avant sur mon chemin. Pour sentir le temps se figer autours de moi d'une torpeur inhumaine, j'avance contre la montre qui me conseille d'attendre à l'abri d'un carré d'ombre. Alors je rie de l'astre une fois pris au piège de son halo de lumière, et son humiliation ne fait qu'augmenter sa colère brulante. Peu m'importe, j'avance contre sa volonté, car seule la mienne compte pour aller au delà de sa puissance. Ni lui ni le temps endormi de l'après-midi n'arrêteront ma marche, ni aujourd'hui, ni demain.


Il est 13 heures à Itero de la Vega, j'ai gagné ma bataille. J'aurais en effet pu marcher plus, quelques kilomètres seulement. Mais demain je retourne au combat, alors que les deux camps prennent des forces durant la fraicheur de la nuit. 
Rendez vous demain matin mon cher ennemi...


"Wooden hope" - Photo Olivier - GoPro2


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