dimanche 8 juillet 2012

JOUR 22 : Lectour - Condom

23km (raccourci) - T. de marche : 5h30
"If travel is searching, and own what's been found...
I'm going hunting, I'm a hunter..."
Björk - "Hunter"

"ANTROPOMORPHISME"
Au delà de toute possible humilité, la conscience de "soi" qui caractérise l'humain nous rend égocentrique. Qu'on le veuille ou non, nous rapportons tout à nous en posant des miroirs sur ce qui nous entoure, et nous nous établissons nous même en référence dans notre espace proche. Un des pouvoirs de l'égocentrisme est que nous sommes ainsi capables de donner une conscience humaine à tout et n'importe quoi. C'est par exemple le cas avec toutes sortes d'animaux. Depuis l'enfance lorsque l'imaginaire se développe et ensuite adulte, nous leur accordons des sentiments et sensations par effet miroir. Ainsi l'antropomorphisme nous fait prêter des comportements bien humains aux animaux lors de certaines situations. 
Pour preuve on a toujours l'étrange sensation en les regardant que bêtes à poils et cornes calculent à notre échelle ce qu'ils doivent faire ou penser, selon une table des valeurs expressives qui nous est propre. Cette "conscience prêtée" pousse même notre regard à trouver une ressemblance physique entre "nous et "eux". C'est le cas du chien et de son maitre. En y pensant, on trouvera presque toujours une ressemblance délirante, un je ne sais quoi, entre Mr Dupont et son médor. J'espère d'ailleurs faire exception à cette règle en pensant à mon propre animal à quatre pattes... mais le propos n'est pas là. 
On peut reconnaitre à l'animal qu'il exprime en effet quelque chose. Peut être pas ce que l'on croit ni ce qu'on pense, mais au moins il déclenche cet antropomorphisme sans même s'en rendre-compte (quoi que...). 

Mais alors quid des objets ? D'un certain point de vue on peut en penser la même chose, car eux aussi peuvent prendre "vie" à nos yeux...

"Crawling wood" - Photo Olivier - Canon G12
Je n'oserai pas me lancer dans une psychologie hasardeuse mais dans mes réflexions diverses un détail m'a sauté aux yeux durant mon étape du jour. Alors que je marchais sur une route  montante depuis presque 2km, en soufflant comme un boeuf, je me suis rendu compte que je pestai... contre cette route. J'adressai un mécontentement à l'attention d'une chose qui ne peut pas m'entendre puisqu'elle n'existe pas ! Du moins en terme de conscience. C'est comme insulter le marteau quand on rate le clou. A-t-il lui-même infléchi sa course pour écraser ce fier appendice préhensible qu'on appelle le pouce ? Non (quoi que...!). Or qui n'a jamais transformé un objet en bouc-émissaire de ses propres maladresses ? Car il faut bien reconnaitre qu'on le déteste le marteau à ce moment précis, on lui prête une conscience mal intentionnée, voire un geste prémédité...

A l'opposé du mécontentement, il est tout à fait possible de faire d'un objet un allié, presqu'un ami. 
C'est justement le cas de mon baton de pèlerin. Ce rigide bout de je ne sais quel bois, léger, prêt à supporter ma carcasse douloureuse par tous les temps. Lui qui  m'a trainé sur des kilomètres lorsque mes jambes refusaient le combat les premiers temps. Lui qui allège mon effort en montée, sauve mes muscles de la crampe en descente. Devenu indispensable à ma progression, je l'ai integré à mon périple au delà d'une simple béquille. Il a une telle importance que j'en serai presque rendu à lui donner un nom...

Mais attention, lui donner un nom, c'est lui donner la vie par procuration. Je me rappelle ce film avec Tom Hanks "Seul au monde", où le personnage échoué sur une ile déserte pour des années se crée un ami d'un ballon de foot. Le personnage dérape vers sa psychose de naufragé en l'appelant Wilson. Alors folie passagère ou justement mécanisme de survie mentale ? 
De manière générale pouvons nous nous sentir à un moment précis, dans une situation donnée, tellement seuls que nous accordons des sentiments à des choses qui n'en sont pas dotées ? En fait lorsqu'il interagit avec nous l'objet devient temporairement "vivant", car nous en faisons l'extension de nous-même. Peut-être est-ce un moyen de reprendre le contrôle sur des évènements de notre vie ou une situation qui nous échappe. L'objet prend ainsi "vie" par effet miroir. C'est échanger du rationnel contre un peu d'espoir. 

Objets inanimés avez-vous donc une âme ? La question est classique mais dans ce raisonnement c'est le OUI de la réponse qui donne le vertige : si nous personnifions l'objet, nous lui créons une "conscience" et par extension une "âme". Elle ne lui est pas propre, mais elle existe bien à nos yeux. A ce titre nous sommes alors des créateurs d'âmes en puissance. 
Est-ce que cela ne ferait pas de nous potentiellement des... dieux ? 

Hum je crois que le duo soleil/lectures de Nietzsche a dû me cogner un peu fort sur le crâne aujourd'hui. Allez, je remet tout cela à plus tard car j'arrive à mon étape du jour. D'ailleurs voilà que la route amorce enfin une pente douce jusqu'à la ville. 
Au fait, devrais-je lui dire merci ?

Condom - Photo Olivier - GoPro2

6 commentaires:

  1. pas mal tes élucubrations d'aujourd'hui; le soleil doit taper fort ! non je plaisante ; je comprends fort bien ton "animisme" d'autant plus que tu prends le temps de vivre uniquement avec toi-même et avec les objets (animée ou non ) qui t'entourent. Tu vas avoir dur de retomber sur le plancher des vaches. A+

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  2. tes publications datent-elles d'une semaine ou vis-tu dans le passé ?

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    1. Eh eh des fois je me demande! Non mais je ne peux pas mettre à jour quotidiennement, alors je poste dans l'ordre d'écriture au fur et à mesure que je termine la rédaction d'une étape... ou d'une élucubration ! Donc il y a un décalage de calendrier de quelques jours.
      Merci de me lire Anne, j'espère que ton chemin t'a plus aussi...

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  3. Bonsoir Olivier,
    Depuis ton départ,je suis pas à pas ton aventure, quel plaisir de te lire...Tes mots m'interpellent,ils ont quelque chose de magique.Depuis toute jeune,je rêve de faire ce voyage, malheureusement les aléas de la vie ont fait que je n'ai pas encore réalisé ce rêve, un jour viendra...Je me reconnais un peu dans certains de tes récits,comme toi je suis athée, je le suis devenue par la force des choses,un été 93 ou un accident de moto a ôté la vie à un ami très cher, il devait fêter ces 20 ans à peine trois mois plus tard, il s'appelait Jérome...Depuis ce jour ma vie a changé,on ne voit plus les choses comme avant et on ne laisse plus de place au hazard.Aujourd'hui,je suis intimement convaincue qu'il est mon autre partie,mon âme soeur,l'étincelle qui fait encore briller mes yeux,mon ange gardien...Ce voyage qui me tiens à coeur j'aimerais le faire pour lui,pour trouver le pont entre l'invisible et le réel.Voilà une infime partie de mon histoire, merci de partager la tienne,j'espère que tu trouveras à travers ce voyage,les réponses aux questions que tu te poses...
    Bonne route mon ami et au plaisir de te lire.

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  4. Je pense à toi loup...quelle belle aventure tu vis là, bon courage pour la suite

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  5. On a sans doute tous eu un Wilson auprès de nous au moins une fois dans notre vie ;) .
    J'ai aussi un chien, mais je ne pense pas que nous rentrions dans la catégorie "tel maitre tel chien" (quoi que des fois ...).

    Je me retrouve beaucoup dans tes écrits en tout cas (et dans le commentaire de Séverine ci dessus), c'est un réel plaisir de lire le blog malgré mon retard. Mais au moins je n'ai pas à attendre quelques jours entre les articles :p je peux tout lire d'une traite, comme un bouquin.

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