mardi 19 juin 2012

JOUR 3 : St Privat d'Allier - Saugues


Mardi 19 Juin - 19km - 6h30
"I hurt myself today, to see if I still feel,
I focus on the pain, the only thing that's real..." 
Trent Reznor


St Privat d'Allier 8h30 - Photo Olivier - GoPro2



"DOULEUR"
Elle est bien là au réveil, cette douleur dans le genoux droit. La nuit n'a rien pu faire, et je devrais partir avec. Peut être est-ce là la première épreuve, marcher sur du verre durant 20km, dès le 2eme jour. S'il le faut... 

"Balise" - Canon G12
Et en effet, après quelques minutes d'un pas clopinant, je me retrouve en sortie de St Privat devant un paysage qui montre les dents. Une descente vertigineuse de 400 mètres sur un sentier rocheux, qui va donner un nouveau sens au mot douleur. Pourtant je la connais bien, cette vieille amie du tatouage et des rituels, cette donzelle chaleureuse qui vrille les nerfs et commande l'endorphine. 
Elle et moi avons eu de longue conversations déjà, mais là mon  language manque de vocabulaire. Je me tord comme un vers pour essayer de calmer les cris de ce genoux qui se dérobe sous moi à chaque pas. 
C'est mon bourdon auquel je me cramponne, le baton du pèlerin, qui me traine sur 15km dans les cassures de ce paysage magnifiquement irrégulier. 







"Touch me I'm sick" - GoPro2
La chair est bien faite. Après 4 heures de calvaire et une courte pause sous un arbre protecteur, à l'abri d'une légère pluie, je reprend la route et... la douleur s'efface, devient diaphane. M'offrant une vieille sensation de victoire sur les sens, elle devient docile, se fait à peine sentir, et je termine les 2 heures de trajet restantes dans une euphorie certaine. Le corps laisse tout ce qu'il peut pour continuer ce que la volonté exige, et voilà donc qu'un shoot d'endorphine vient me pousser hagard et satisfait jusqu'à l'entrée de Saugues...


Cette douleur est celle de la volonté. Du sportif dans l'effort, du tatoué sous l'aguille, du pénitent sous la croix, de ceux qui ont une victoire à prendre sur les autres, sur la vie ou sur eux-même. C'est le dépassement de soi de ceux qui savent que la seule route à prendre est parfois la plus dure. 
Il est étonnant que la nature ait pensé à faire d'une alarme physiologique complexe une telle source d'aboutissement. Bien sur elle est là pour nous préserver de tout danger accidentel, au prix d'une sensation d'évitement instinctif liée au désagréable. Souvent l'intensité douloureuse est proportionnelle au trauma subit, et nous indique une anomalie. 

Est-ce la douleur qui défini l'instinct de survie ? Nous passons notre vie à l'éviter, à la contenir, à tel point que cela devient un but en soit. On développe des trésors neurologiques et psychologiques pour échapper à ses griffes lorsqu'elle nous tenaille, des trésors pharmaceutiques et technologique pour ne pas y être confrontés. Ce qui fait de nous des humains est qu'on peut en avoir une conscience rationnelle, et l'alarme devient une force, dans certains cas elle est partie prenante de l'experience de toute une vie.

"Roches" - Canon G12 Macro
Freud disait : "On ne se sent jamais autant vivant que lorsqu'on a mal." Alors quand elle nous tient, lorsqu'on le peut, on l'embrasse pour ne plus la subir. Elle transcende ce que nous sommes et surpasse nos fonctions vitales quotidiennes. Elle est  l'energie du désespoir qui nous pousse en avant. 


Je suis arrivé à Saugues, pays de la bête du Gévaudan. La fatigue aidant, cette douleur n'est plus qu'un souvenir. Je la range pour la nuit, me couche, et trouve un sommeil rapide...


1 commentaire:

  1. je vous vois marcher, vous les "jeunes" et j'essaie de maintenir votre cadence mais en vain

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