mercredi 20 juin 2012

JOUR 4 - Saugues - Le Rouget

27km - 7h

"I've seen fire, I've seen rain,
I've seen sunny days that I thought would never end..."
Blood, Sweat & Tears


"OXYGENE"
8h30 du matin. Au sortir de Saugues les nuages rivalisent de noirceur au dessus de moi, et quelques gouttes me conseillent de vite quitter le coin. Alors flanqué de mes 14 kilos de maison je prends la tangeante, pour une étape de 27km. Et pour la première fois depuis mon départ, je marche seul. Enfin je croise bien quelques autres marcheurs de temps à autres, mais la presque totalité du trajet sera faite en ma propre compagnie.
C'est la plus longue étape à ce jour, et j'ai eu le temps de réfléchir. 
Enfin, du temps...

Selfpic - GoPro2
"Frontier" - Photo Olivier - GoPro2 
C'est fou ce que l'on peut avoir de la conversation avec soi-même parfois. L'effort d'endurance à un effet particulier sur notre organisme, il stimule l'intellect. 

Attention, je ne dis pas que marcher des heures rend plus intelligent, si c'était le cas les marchands de chaussure de randos seraient les maitres du monde. Mais il y a un vrai déluge de pensées une fois lancé, c'est presque incontrôlable.


En s'activant pour la marche le coeur bat plus vite, le métabolisme s'accelère et la saturation d'oxygène dans le sang est à son paroxysme. Les cycles ventilatoires augmentent, et  le cerveau suralimenté en O² nous plonge dans une forme d'hyperactivité cérébrale en passant les 15 premières minutes de marche. 
Cet état proche de l'euphorie nous donne l'impression d'ouvrir des portes sur une foule de pensées qui se pressent en file indienne comme des touristes à l'entrée d'un bus. Un débordement de réflexions et d'analyses qui semble inépuisable. Cela peut durer quelques minutes ou des heures, selon l'état et le moment de la journée. 

C'est là qu'il faut attraper les idées au vol, car une fois ce climax cérébral passée, le corps focalise son attention sur l'économie d'énergie et sur le maintien de l'effort. Et parce que la pensée est consommatrice d'oxygène, l'esprit se vide.
"Boiling water - Selfpic - GoPro2
Les efforts explosifs courts ne laissent pas le temps d'entrer dans cet état, c'est probablement la physiologie propre à l'endurance qui provoque cette sensation maintes fois rapportée. Pour la marche, et Compostelle en particulier de part sa spiritualité, on parle de "route intérieure", d'un chemin au moins autant cérébral que physique. Il faut bien reconnaitre qu'on est tenté de laisser de côté le rationnel de la chose, tant l'imaginaire est stimulé. 
Et l'imaginaire, c'est justement ce qu'il manque au quotidien, alors laissons le s'exprimer. 

C'est lui qui guide mes doigts sur le clavier, exprimant ce qui passe les portes de mes souvenirs et de mes sensations au fil des kilomètres. Alors je commence à laisser couler l'encre de mes pensées, il y en aura tout au long du chemin en parallèle du journal de mes étapes. Il y en aura autant que nécessaire... 
"Bathing Dog" - Photo Olivier - GoPro2

1 commentaire:

  1. un des cotés le plus angoissant du chemin pour moi était de me retrouver seule avec moi-même, ce qui n'arrive pratiquement jamais dans la vie courante.

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