samedi 4 août 2012

MA MERE


"Mama, oooooh, did'nt mean to make you cry, 
If I'm not back again this time tomorrow,
Carry on, carry on as if nothing really matters..."
Queen - "Bohemian Rhapsody"

Mon père avait du gout, tu étais la plus belle. Evidemment une maman est toujours la plus belle pour le fils qui l'admire. Parce qu'au delà de sa féminité, c'est cet amour, ce don de soi, cette chaleur protectrice et la part du corps qu'elle laisse derrière elle pour construire ce que nous sommes qui la rendent belle. 
Ma mère était la plus belle. Elle n'a fait que moi, et elle m'a tout donné. Je lui doit tout et son aura brille toujours autours de ma vie, à 38 ans. Un fils n'oublie jamais ses heures tendres avec sa mère, il tuerai pour elle. Après tout ce que je lui ai fait subir, pas méchant mais plombé du caractère qu'elle a su me transmettre, je lui doit bien cette chandelle, au moins ces quelques mots que j'ai tant de fois essayé de lui dire une fois adulte. 
Mais il était trop tard, alors que la maturité nécessaire m'aurait permis d'exprimer cette gratitude, elle était déjà dans un autre monde. Le monde noir de la maladie définitive, qui ne laisse pas aux mots reconnaissants d'un fils pour sa mère leur juste place. J'ai parlé, essayé quand même, quitte à ce que mes mots se perdent dans le vent. Mais le voile du désespoir désassemblait mes phrases dans son coeur. Elle m'a toujours aimé, mais ne comprenait plus cet amour et j'ai perdu ma mère durant les 13 dernières années de sa vie. 

Cette maladie je ne saurai la nommer, les médecins eux-même ont toujours eu du mal à lui donner un seul visage. Un lymphôme cérébral oui, découvert 3 ans après les premiers symptômes, mais les dérèglements étaient partout, détruisant corps et âme. Alors vinrent les traitements, distribués depuis 2000 comme autant de coups d'épée, lancés au hasard pour toucher un ennemi dans le noir. Toutes ces tentatives, ces faux espoirs, ces diagnostics effrayants. Toutes ces rassurantes solutions établies finalement pour la seule conscience de médecins trop orgeuilleux pour reconnaitre qu'ils n'y comprenaient rien. Je ne suis même pas sûr de leur en vouloir, la science a ses limites et leur orgeuil n'en a pas. Avec de telles cartes la bataille contre la maladie ne peut alors pas être toujours gagnée.
Chimios, radiothérapies, traitements expérimentaux, cumuls d'ordonnances, encore, et encore, durant des mois, des années, jusqu'à ce qu'on dise "Stop". Jusqu'à épuisement. Le dommage collatéral fut évidemment gigantesque, et nous ne saurons jamais si c'est la maladie qui t'a détruite ou l'empoisonnement curatif. Ces dizaines de pilules par jour. Pour te guérir peut être, ou un peu, ou pas du tout... 

En 10 ans ton corps à vieilli en accéléré. A 60 ans tu en paraissait 80 en mauvais état. Plus de lymphôme apparent mais tout était déréglé, comme si chaque engrenage de ton corps avait pris un jeu qui se répercutait sur les suivants. L'hormonal, le nerveux, le musculaire, le digestif, tout n'était que non-sens dans ce corps en déroute.  Tu était devenue aveugle et de toutes les souffrances la dépendance que cela implique fût la plus intolérable. Toi ma mère, une patronne en force, étincellante de vie, de sourire et de féminité, tu n'as jamais accepté ce handicap. Tu as lutté contre tout les choses et les gens qui ne pouvaient être à ta place pour te comprendre. Ta bataille contre la maladie t'a épuisé et vidé de ton essence, et cette trahison du corps fut fatale à ton esprit. Petit à petit il s'est enfermé dans la dépression puis dans la démence, aigri du refus d'être. Heureusement ou malheureusement pour toi, ton instinct de survie t'empêchait de commettre l'irréparable, mais je sais que cette vie n'en était plus une, ni pour toi ni pour papa. Vaillamment vous avez lutté, car l'espoir fait vivre n'est-ce pas ? Surtout quand il ne reste plus que l'amour pour lui trouver un sens.

Ce que je vois de tout cela, c'est un long cri du corps. Peut être par peur de vieillir a-t-il décidé de te trahir puis de faire durer la fin, je ne sais pas. Ce corps fuyant m'a enlevé ma mère, et dans ta psychose incurable tu n'étais plus que l'ombre de toi-même. C'était toi, mais ce n'était pas toi à la fois, et seuls ceux qui t'ont cotoyé durant ces années démentes ont saisi l'ampleur du drame psychologique que tu vivais, que nous vivions. Certains n'ont pas compris et t'ont abandonnée, d'autres n'ont pas eu la force de te voir changer. Je n'en veux à personne. Chacun de tes proches, famille et amis, a été dévasté par le spectacle, troublé et impuissant, ils t'admiraient tant. Ils t'ont perdu 2 fois : quand la maladie t'as enlevé l'esprit, puis quand le temps t'a enlevé la vie, alors comprends leur peine.
Papa quand à lui fut ce héro qui n'a cessé de lutter et a tout laissé pour que tu vive. Il a encaissé toutes les souffrances qu'un homme puisse subir par amour, sans jamais se plaindre, sans jamais faillir. Il en est mort. Votre vie est la plus belle histoire d'amour qu'on puisse écrire.    
J'ai repris son flambeau et fais ce que j'ai pu pour te maintenir. Puis au printemps 2010  ton corps a décidé d'en finir, alors j'ai décidé d'arrêter tes souffrances. Lorsque le diagnostic est tombé j'ai pris la décision de ne pas faire traiter cette ultime tumeur apparue sur tes reins.

Tu as rejoins papa en ce doux mois de Mai 2010. J'étais à ton chevet lorsque tu m'a accordé raison et que tu as rendu ton dernier souffle. Je t'ai laissé partir le coeur léger car ce soupir de mort fut celui de ta liberté, et que je garde en moi l'image immaculée de ma mère, la vraie, la seule. Toi et papa m'avez offert une vie privilégiée, et ma reconnaissance reste sans limites. Alors pour moi la maladie n'a pas gagné, car tu es complète à nouveau dans mon coeur et mes souvenirs. 
Reposes en paix mon amour de mère, personne d'autre que toi ne le mérite autant...
Love.

A Michelle Laizé, 1943 - 2010
"One mother" - GoPro2

1 commentaire:

  1. Bel hommage Olivier à cette super maman Chouchou que j'ai également tant admiré dans mes années d'ado engluée dans sa détresse et l'ennui...
    Elle incarnait avec éclat la réunion de la beauté, coquetterie, humour, intelligence vive et telle une ouverture d'esprit. Je crois pourvoir dire que j'ai aimé autant si ce n'est plus la mère que le fils! (une vraie recontre!un modèle! une presence, des paroles réconfortantes lorsque j'en avais le plus besoin, cette énergie... un bout d'elle ...de tout ça je me la suis incorporée).

    Je suis attristrée de lire ce parcours de douleur, mais comme je suis maman à présent je sais l'amour inconditionnel et infini qu'une mère porte à son fils, je ressens viséralement aujoud'hui combien elle t'as aimé après avoir entendu cet amour et vu quelques séquences.
    Ce que tu nous livres de votre lien d'amour est des plus touchant, juste et vrai.

    Repose en Paix Chouchou
    Et poursuit ta route Olive avec cette force et ce lien inconditionnel

    Sandrine

    RépondreSupprimer