jeudi 9 août 2012

JOUR 54 : O PORTOS - ARZUA

35km - Temps de marche : 7h


"Lost in time" - Selfpic - GoPro2

"From this distant vantage point, the earth might not seem of particular interest.
But for us it's different : consider again that dot, that's here, that's whom, that's us..."
DMCI - "Future Proof"

"EUX, NOUS, MOI"
Dorénavant je ne peux plus me permettre de ne croire qu'en la providence ou la chance pour trouver où dormir sur le chemin de Compostelle. Même la bonté de celui dont je marche jusqu'à la tombe depuis bientôt 2 mois doit avoir ses limites, et St Jacques a surement d'autres pèlerins à surveiller. Car des pèlerins, il y en a, des centaines même, à perte de vue. Devant, derrière, et d'autres encore devant et derrière eux. 
Depuis 3 jours le Camino prend encore un autre visage. Celui du flot humain qui monte tel une marée de pleine lune et envahi les rivages du chemin historique. Nous sommes en dessous des 100 derniers kilomètres jusqu'à Santiago, et c'est là que se concentrent tout  ceux qui veulent obtenir leur "Compostella", l'attestation finale du pèlerinage. 
S'ajoutent donc aux "vétérans" comme moi ceux qui ne marchent que cette derniere portion. Et il en sort de partout, à toute heure, de 6heures du matin jusqu'à 19 heures, par dizaines. Dans les rues, sur les routes, dans les restaurants. Partout. 
Alors autant dire que ça se bouscule aux portes des "albergues", et on sent que la fréquentation du chemin de Compostelle dépasse maintenant les infrastructures disponibles sur cette partie finale. En moyenne, les auberges et pensions sont completes à partir de 13h/14h, avec saturent de files d'attentes. 
Le spectacle est  surréalistes pour moi, après ces semaines passé presque seul...

"Morning lonesome" - GoPro2
C'est une véritable nouvelle épreuve avant d'arriver à Santiago. Une ultime épreuve, celle de la foule de fidèles qu'il faut "affronter". Chacun reste heureusement agréable sur le chemin, mais en masse ce flot est envahissant, omniprésent, presque menaçant. De toutes nationalités, de tous ages, de tous types, l'échantillon d'humanité est ici exhaustif et je dois apprendre à m'adapter à un monde que j'aurais habituellement fuit au plus vite. Ils sont pourtant comme moi, avec leur vie, leurs espoirs et leurs douleurs, à cumuler des bornes sur ce fil de conscience tendu par la foi, qui mélange le temps et la distance. 
Alors je range mon individualité intransigeante pour en faire abstraction, et je marche pour réfléchir plus vite que cette gigantesque masse mouvante. Faire ce qu'il faut pour dormir sous un toit, même si je suis prêt à tout accepter. 
Car c'est aussi ça la beauté du chemin, se laisser porter par l'imprévu... 


Alors sans répit j'ai marché vite, d'un pas régulier, avec en tout et pour tout 2 pauses café/en-cas jusqu'à Arzua, parfaitement calé dans mes prévisions horaires. Et cela furent 35km payants. Un lit obtenu dans un "albergue" correct en ville, à 13h30 repos est pris et je peux penser à la journée suivante, et surtout à celle d'après. 
Ceci est mon avant-dernier soir avant Santiago, que j'atteindrai samedi matin si tout va bien. Il ne reste maintenant que 38km jusqu'au tombeau mythique de St Jacques le Majeur, frère de St Jean. Après tout ce temps, ces épreuves, ces plaisirs, ces moments seul, ces découvertes, la perspective est troublante. Et surtout terriblement excitante...

"Two of them" - GoPro2
Face à tout cela j'ai l'impression d'avoir rangé mon profil spirituel pour le protéger de tous ces visages, de tous ces mots, de tous ces gens qui au delà de leur personne représente toute une humanité. En route vers un seul but commun, l'énergie qu'ils déploient crée un courant ascendant qui me pousse en avant, qui me traverse et dans lequel j'ai parfois peur de me perdre. Alors je protège mon imaginaire, cette flamme de magie qui n'existe qu'ici, afin que le vent du mouvement des pèlerins ne l'éteigne pas, ne la fasse même pas vaciller. Je me concentre sur la survie, et je garde secrètement caché mon oeil d'enfant, dans l'attente de ce moment où je pourrai poser le regard et mon coeur sur cette cathédrale, à Santiago. 
Là alors je pourrai sentir l'histoire qui nous a tous mené jusque là, et m'y noyer entièrement... 

38 km de Santiago, le bout du voyage, ou presque...

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