vendredi 10 août 2012

JOUR 55 : ARZUA - SAN MARCOS

35km - Temps de marche : 6h45



"UNE AUTRE EPREUVE"
Seul dans cette moiteur propre au mois d'aout, je profites encore de cet incroyable ciel espagnol, dont la part nocturne vaut bien la diurne tant les étoiles sont intenses jusqu'au levé du jour. Sur cette route qui serpente je calcule le temps et les jours me restant jusqu'à mon objectif, la source de toute cette aventure. Santiago n'est plus qu'à un jour de marche après celui-ci et mes sentiments n'auront jamais été si partagés durant mon périple.
Me voici au seuil de cet ville emblématique, 55 jours après mon premier pas, ce pas innocent et vierge de toutes les douleurs de la route.  Et ce qu'elle m'inspire est au delà des kilomètres, de la sueur, des nuits trop courtes et des heures de marche. 

Santiago est un symbole plus qu'une ville, et je ne sais comment se fera dans mon esprit la jonction entre le geographique  et le spirituel lorsque mes yeux se poseront sur la cathédrale tombale du saint évangelisateur d'Espagne. 


Pour le moment, le mot qui me vient à l'esprit est désarroi. Son sentiment me tenaille et sa poigne se renforce au fil des heures, car je réalise que j'arrive au bout de mon pèlerinage. Je suis troublé par ces forces qui s'opposent en moi, l'une me tirant vers l'avant plus encore chaque jours mais l'autre me retenant sur ce chemin, pour retarder l'échéance de sa fin. Demain je serais arrivé, car me voici à San Marcos. C'est l'ultime village avant Santiago, distant de 5km seulement. Depuis les hauteurs du Monte Do Gozo je devine les faubourg de la ville sainte. Les tours de sa cathédrale sont encore invisibles mais je les visualise déjà intérieurement, qui abritent le tombeau de Jacques le Majeur. Dans un ultime effort pour freiner le temps qui passe et les kilomètres qui défilent je me suis imposé cet arrêt pour savourer encore un peu la distance, imaginer cette dernière nuit et faire comme si le voyage ne touchait pas à sa fin.

"Km 13" - GoPro2
Bien sur je n'arrêtes pas physiquement là, puisque je pousse mon périple jusqu'à Fisterra, qui se trouve à 3 jours de marche de Santiago. Mais ici se trouve cette "étoile" pour laquelle j'ai traversé France et Espagne d'Est en Ouest, sur plus de 1600km. Les proportions me semblent immenses, maintenant que je suis aux portes de la ville...

On me l'avait annoncé déjà en France, une autre épreuve m'attends sur le chemin : sa fin. Et depuis quelques jours je construis ma nostalgie d'avance, peut être pour la connaitre un peu déjà avant qu'elle ne me frappe en plein coeur, histoire de voir le coup venir. Elle est accompagnée d'un étrange effet de vide, comme si je me sentais au bord d'un gouffre. Celui de l'inconnu qui m'attend, ne voyant pas encore l'importance que ce pèlerinage aura eu dans ma vie. Car la seule chose dont je sois sûr aujourd'hui, c'est que qu'il y avait un avant et il y aura un après St Jacques. Ensuite viendra la longue digestion de ces deux mois, avec son lot d'analyse, de reflexions, d'espérances et d'illuminations.

Demain mon sac se posera à terre, mes jambes cesseront d'avancer, et je parlerai à ma raison pour lui demander de se taire. Je dirai aussi à mon coeur de laisser mes espérances être à la hauteur de mes attentes. Je serai à Santiago, il devra s'ouvrir et comprendre que c'est là qu'il m'a demandé d'aller. Alors lui et moi pourrons parler de ce que nous sommes devenu par cette aventure d'une vie, passée à marcher vers le tombeau d'un Saint...

"Monte de Gozo" - GoPro2


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