jeudi 14 août 2014

ALEXANDRE



« I hate to see you cry, lying there in that position,

There’s things you need to hear, so turn of yours tears and listen…”

John Mayer - "The heart of life"



Je ne te connais pas encore, pourtant tu as toujours été là. Sur cette crête sauvage et boisée, un pied devant l’autre je calcule la distance qui me sépare de toi, cette distance qui sépare l’homme du père. Le soleil joue avec les nuages, l’heure est matinale et le temps s’allonge dans le plaisir de ma liberté, et pourtant je brûle d’arriver à ce moment où je vais enfin te rencontrer. 

Ce ne sera pas aujourd’hui, ni demain, ce sera dans un temps qui se rapproche et qui n’est finalement rien dans toute une vie. Pourtant je suis impatient.



Ton heure aujourd’hui se résume à la construction d’un corps vibrant dans un cocon de chaleur maternelle, et s’il ne donne pas encore d’interlocuteur à mes paroles je m’adresse à toi comme si je t’avais toujours connu, comme si tu étais à mes côtés sur cette crête sauvage et boisée, à contempler avec moi ce soleil jouant avec les nuages. Ta présence est impalpable et pourtant elle transforme déjà mon univers. Tu viens de rien et de tout en même temps, et d’une équation par laquelle deux inconnues se complètent voilà que c’est la vérité de l’existence qui prend forme naturellement devant mes yeux. Tu n’es pas là mais tu es en moi, et sans avoir croisé ton regard je l’ai déjà imprimé dans ma mémoire, en imaginant qu’il sera en partie identique au mien.



Je suis aujourd’hui encore sur une route de bout du monde, une de celles qui ouvrent les fenêtres de l’imagination et mettent des étoiles dans les yeux. Et c’est ici et là que je prends la mesure du chemin parcouru jusqu’à toi. Peut-être t’ai-je toujours désiré, sans comprendre qu’arriverait maintenant ce virage par lequel il serait temps de ne plus vivre que pour moi, après 40 ans d’aventures. Et comme si te donner la vie allongeait la mienne, je remplirai maintenant ma plus importante mission, qui donne un sens à celle que ceux que j’ai perdus ont accomplie avant moi. Tu ne les connaitras qu’en photo et qu’en récit, et si c’est là ma plus grande tristesse je me réjouis malgré tout de savoir que leurs yeux disparus verront ton arrivée à travers les miens. L’hérédité n’est pas que biologique, elle donne au présent la chance de se prendre pour l’éternel, et ta venue est un hommage aux vies qui ont mené jusqu’à toi…



Peut-être un jour liras-tu mes lignes, et peut être que tu n’y comprendras rien, peut-être mes paroles te toucheront ou peut-être ne serviront-elles qu’à moi. Peut-être que je ne serai même plus là quand tes yeux se poseront sur le récit de mes aventures. Tu sais il n’y a rien de plus difficile que de parler de soi, et écrire à son fils est une épreuve d’autant plus rude que je ne sais pas quel regard la vie te fera porter sur moi, au risque que mes mots ne soient pas rendus à leur juste valeur. Alors je pourrais essayer d’écrire des pages et des pages pour expliquer ce que je suis et la place que tu prends sans le savoir dans mon existence en ce moment. Mais peut-être dois-je simplement me laisser le temps de te voir grandir, et laisser à plus tard le temps des lectures. Notre rencontre sera faite de contact, de regards et de gestes. Les mots quant à eux viendront bien assez tôt, alors profitons-en, nous avons le temps.



Je ne sais pas quel homme tu seras, même si je m’en amuse je ne comprends moi-même pas toujours celui que je suis. Mais aujourd’hui et pour toujours ma vie dépend de la tienne, et c’est avec fierté et confiance que je guide mes pas vers ta naissance en te construisant un monde le plus juste possible, sans barrières, à l’instinct, pour que tu devienne celui que tu dois être. Et si j’arpente mes routes en solo, elle aussi est avec moi à chaque instant, la femme de ma vie et de la tienne. A deux nous mettons au diapason les cordes de l’avenir pour t’offrir une vie d’étoiles et de couleurs, en espérant que ce parcours ne sera pas jalonné de trop d’erreurs. Quoi qu’il arrive gardes l’esprit ouvert, c’est la voix de la compréhension des choses et de merveilleuses découvertes, et je t'assures que les dangers du monde ne lui enlèvent pas sa beauté. 



Quant à moi tu me verras partir parfois, pour quelques jours ou quelques semaines. Ne crains pas mes absences car les chemins que je prends ne font que me rapprocher de toi. J’espère qu’un jour tu en comprendras le sens, peut-être même auras-tu toi aussi besoin de partir pour mieux te sentir revenir.

Alors voilà, mon dernier voyage avant ta venue se termine dans quelques jours, le tient te verra gouter le monde dans quelques semaines. Ce sera ton plus grand, tu n’en auras pas de souvenirs mais je te raconterai l’histoire de ta création lorsque tes oreilles demanderont à l’entendre. Alors jusque-là je consigne pour toi les images de ta vie à venir, et je rentre fatigué mais plein d’espoir pour réparer mon corps et préparer ta venue.

Je retrouverai celle qui te donne la vie à mon retour, elle t’attend autant que moi et notre impatience de te sentir entre nous n’a pas de limites. Le jour de ton arrivée elle te montrera le chemin, et je serais là pour te montrer qui tu es, te montrer qui je suis, te montrer de quoi le monde est fait.

Prends ton temps mon fils, je t’attends…


Pour Alexandre. 


1 commentaire:

  1. CONGRATS ! Hoping all went well with little one and now you can start to be a little less selfish at last because now you will hopefully feel how being a parent is the most fulfilling emotion ever !
    long time ago known as soleil_blonde

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