« I hate to see you
cry, lying there in that position,
There’s things you need
to hear, so turn of yours tears and listen…”
John Mayer - "The
heart of life"
Je ne te connais pas encore, pourtant tu as
toujours été là. Sur cette crête sauvage et boisée, un pied devant l’autre je
calcule la distance qui me sépare de toi, cette distance qui sépare l’homme du
père. Le soleil joue avec les nuages, l’heure est matinale et le temps s’allonge
dans le plaisir de ma liberté, et pourtant je brûle d’arriver à ce moment où je
vais enfin te rencontrer.
Ce ne sera pas aujourd’hui, ni demain, ce sera
dans un temps qui se rapproche et qui n’est finalement rien dans toute une vie.
Pourtant je suis impatient.
Ton heure aujourd’hui se résume à la construction
d’un corps vibrant dans un cocon de chaleur maternelle, et s’il ne donne pas
encore d’interlocuteur à mes paroles je m’adresse à toi comme si je t’avais
toujours connu, comme si tu étais à mes côtés sur cette crête sauvage et
boisée, à contempler avec moi ce soleil jouant avec les nuages. Ta présence est
impalpable et pourtant elle transforme déjà mon univers. Tu viens de rien et de
tout en même temps, et d’une équation par laquelle deux inconnues se complètent
voilà que c’est la vérité de l’existence qui prend forme naturellement devant
mes yeux. Tu n’es pas là mais tu es en moi, et sans avoir
croisé ton regard je l’ai déjà imprimé dans ma mémoire, en imaginant qu’il sera
en partie identique au mien.
Je suis aujourd’hui encore sur une route de bout
du monde, une de celles qui ouvrent les fenêtres de l’imagination et mettent
des étoiles dans les yeux. Et c’est ici et là que je prends la mesure du chemin
parcouru jusqu’à toi. Peut-être t’ai-je toujours désiré, sans comprendre
qu’arriverait maintenant ce virage par lequel il serait temps de ne plus vivre
que pour moi, après 40 ans d’aventures. Et comme si te donner la vie allongeait
la mienne, je remplirai maintenant ma plus importante mission, qui donne un
sens à celle que ceux que j’ai perdus ont accomplie avant moi. Tu ne les
connaitras qu’en photo et qu’en récit, et si c’est là ma plus grande tristesse
je me réjouis malgré tout de savoir que leurs yeux disparus verront ton arrivée
à travers les miens. L’hérédité n’est pas que biologique, elle donne au présent
la chance de se prendre pour l’éternel, et ta venue est un hommage aux vies qui
ont mené jusqu’à toi…
Peut-être un jour liras-tu mes lignes, et peut
être que tu n’y comprendras rien, peut-être mes paroles te toucheront ou
peut-être ne serviront-elles qu’à moi. Peut-être que je ne serai même plus là
quand tes yeux se poseront sur le récit de mes aventures. Tu sais il n’y a rien
de plus difficile que de parler de soi, et écrire à son fils est une épreuve
d’autant plus rude que je ne sais pas quel regard la vie te fera porter sur
moi, au risque que mes mots ne soient pas rendus à leur juste valeur. Alors je
pourrais essayer d’écrire des pages et des pages pour expliquer ce que je suis
et la place que tu prends sans le savoir dans mon existence en ce moment. Mais
peut-être dois-je simplement me laisser le temps de te voir grandir, et laisser
à plus tard le temps des lectures. Notre rencontre sera faite de contact, de
regards et de gestes. Les mots quant à eux viendront bien assez tôt, alors
profitons-en, nous avons le temps.
Je ne sais pas quel homme tu seras, même si je
m’en amuse je ne comprends moi-même pas toujours celui que je suis. Mais
aujourd’hui et pour toujours ma vie dépend de la tienne, et c’est avec fierté
et confiance que je guide mes pas vers ta naissance en te construisant un monde
le plus juste possible, sans barrières, à l’instinct, pour que tu devienne
celui que tu dois être. Et si j’arpente mes routes en solo, elle aussi est avec
moi à chaque instant, la femme de ma vie et de la tienne. A deux nous mettons
au diapason les cordes de l’avenir pour t’offrir une vie d’étoiles et de
couleurs, en espérant que ce parcours ne sera pas jalonné de trop d’erreurs.
Quoi qu’il arrive gardes l’esprit ouvert, c’est la voix de la compréhension des
choses et de merveilleuses découvertes, et je t'assures que les dangers du
monde ne lui enlèvent pas sa beauté.
Quant à moi tu me verras partir parfois, pour
quelques jours ou quelques semaines. Ne crains pas mes absences car les chemins
que je prends ne font que me rapprocher de toi. J’espère qu’un jour tu en
comprendras le sens, peut-être même auras-tu toi aussi besoin de partir pour
mieux te sentir revenir.
Alors voilà, mon dernier voyage avant ta venue se
termine dans quelques jours, le tient te verra gouter le monde dans quelques
semaines. Ce sera ton plus grand, tu n’en auras pas de souvenirs mais je te raconterai l’histoire de ta création lorsque
tes oreilles demanderont à l’entendre. Alors jusque-là je consigne pour toi les
images de ta vie à venir, et je rentre fatigué mais plein d’espoir pour réparer
mon corps et préparer ta venue.
Je retrouverai celle qui te donne la vie à mon
retour, elle t’attend autant que moi et notre impatience de te sentir entre
nous n’a pas de limites. Le jour de ton arrivée elle te montrera le
chemin, et je serais là pour te montrer qui tu es, te montrer qui je suis, te
montrer de quoi le monde est fait.
Prends ton temps mon fils, je t’attends…
Pour Alexandre.
CONGRATS ! Hoping all went well with little one and now you can start to be a little less selfish at last because now you will hopefully feel how being a parent is the most fulfilling emotion ever !
RépondreSupprimerlong time ago known as soleil_blonde