Mardi 14 Aout - Mercredi 15 Aout - Jeudi 16 Aout
En voiture : + ou - 900 km
"Water is my eye, most faithfull my love, feathers on my breath,
Teardrops on the fire of a confession, feathers on my breath..."
Massive Attack - "Teardrop"
"Just a shadow" - Iphone |
Il est 15h30 devant le
chateau de « Los Templarios » à Ponferrada, et je suis assis en
terrasse en attendant l’ouverture à 16h d’un magasin de souvenirs. Le sens de
« souvenirs » me semble ici désuet s’agissant d’objets communs que je
vais acheter sur une route d’Espagne, surtout en regard de la dimension de ceux
moins matériels qui peuplent déjà mon esprit. Au moins ces objets viendront
bien d’ici, et même modernes ils n’en auront pas moins de valeur, par le chemin
parcouru pour les acheter. Ils se joindront à quelques autres, plus
authentiques, trouvés aux détours du « Camino », que je ramène comme
des trophées de mon aventure.
Alors en attendant que
les portes ne s’ouvrent, j'écris à l’abri d’un soleil plus fort, un « café
con leche » sur la table. C’est un film qui défile devant mes yeux et se
substitue à la réalité de ce premier jour de la fin de mon chemin.
Je ne
réalise toujours pas que j'étais encore à Fisterra ce matin, sous un ciel lourd
de bout du monde, et que j'ai déjà parcouru plus de 100km en 4 heures de
voiture à travers la Galice pour écrire ces lignes…
"Another way home" |
Le "groupe"
s'est définitivement séparé ce matin en gare routière, après les 2 heures de
bus entre Fisterra et Santiago. Pour faire honneur à l'exceptionnelle dernière
journée d'hier, pas de larmes, pas d'excès, juste un au revoir simple,
chaleureux et émouvant. Des amis en vérité, que j'espère croiser un jour encore,
sur une route, dans un bar, au coin de la rue ou au bout du monde.
Chacun est
parti de son côté, dans la direction qui est la sienne et vers la vie qui lui
est propre, l’une en Irlande, l’un aux US, l’autre en France. Alors me voilà à
nouveau seul. Etonnant retour en case départ, moi qui étais parti pour cela un
beau lundi de Juin, il y a deux mois maintenant. La boucle est bouclée.
Agréablement
troublé j’ai loué une voiture pour le retour, et la sensation d’être à bord m’a
paru plus étrange encore, moi qui n’ai pas mis les pieds en voiture depuis 2
mois. La vitesse m’impressionne, et je m’amuse de presque provoquer un accident
à peine en route. Adieu Santiago, c'est l'heure du retour…
"Burgos" |
Quelques heures plus tard les réflexes sont encore les mêmes. Je roule sur une belle route
bitumée mais je pense pourtant à la fin de journée, à la lessive, à l'étape du
lendemain, à chercher de l'oeil quelque compagnon de route qui aurait poussé
son étape aussi loin que moi. Mais il n'y a personne pour me reconnaitre parmi ces
dizaines de pèlerins que je croise à grande vitesse. Je roule en voiture,
anonyme parmi les anonymes, à contresens de leur objectif qui fut le mien
durant ces dernières semaines. Moi je reviens à une réalité et eux s’en
échappent, marchant en grappes au bord de la route. Une agréable nostalgie
pointe déjà son nez, mais la solitude se fait plus pesante que je ne l’aurai
voulu…
J'imagine que ces
habitudes sont tellement ancrées en moi maintenant qu'il va me falloir un
certain temps pour reprendre un rythme normal, celui d'avant. Je me rappelle la
phrase d'un ancien pèlerin me disant : "La dernière épreuve de St Jacques,
c'est le retour". Je commence à peine à comprendre le sens de ces mots,
qu’est-ce que cela sera lorsque j’en sentirai le poids ? Peut-être est-ce un
autre cadeau du chemin : tirer de cet « après » le meilleur parti
pour un retour en douce au monde du quotidien. Du moins essayer, bien que je ne
sois plus sûr d’avoir tout prévu dans cette aventure. Peut-être en voici venir
la partie la plus inconnue : comment vais-je vivre mon retour demain, dans
un mois, dans un an ?
Tout cela est déroutant
quand on est chaque jour dehors en pleine nature, sans jamais passer deux fois
au même endroit, avec chaque jour un nouvel horizon devant soi. Revient-on jamais de Compostelle ?
"Back through Tosantos" - Selfpic GoPro |
Ces routes longent littéralement les multiples villages-étapes que j’ai foulés du pied, et je vais vivre à rebours la partie espagnole de mon aventure, à rebours des kilomètres et de mes souvenirs pour en sentir le poids le plus intensément possible. Je vais remonter ces dernières semaines et neuf cent kilomètres en trois jours jusqu'aux Pyrénées.
En route je m’arrêterai dormir à Leon et Burgos, puis obliquerais de Roncevaux à Irun pour passer la frontière à Hendaye où une autre voiture de location m'attend. Malheureusement sur la partie française le chemin est si décalé des routes que je ne peux me permettre de le remonter que sur une soixantaine de kilomètres.
Ensuite je sortirai du chemin de Compostelle pour de bon, et en deux jours je roulerai au plus direct via Narbonne jusqu'à Montpellier pour y prendre un train et rejoindre Cannes.
L’arrivée. C’est là, ne sachant comment je vais m’adapter, que l’inconnu m’attend…
On est en Décembre et j'ai l'impression qu'une partie de toi est encore la bas !! En fait tu n'est pas vraiement rentré !! Un vide, un manque, c'est ce que je ressent en te lisant . Mais dit toi que le "camino" est toujours présent et qu'il est devant toi .. Un nouveau chemin, une nouvelle route... Une nouvelle vie..
RépondreSupprimerBises a bientot peut etre P.Karine
Une partie l'est encore oui, elle y restera, mais je sais comme toi que rien ne s'arrête là...
RépondreSupprimerMerci de m'avoir suivi, à très bientôt !