mardi 18 décembre 2012

LE RETOUR, JOURS 58/59/60 : FISTERRA - VIRGEN - BURGOS - IRUN

"LE RETOUR" 
Mardi 14 Aout - Mercredi 15 Aout - Jeudi 16 Aout
En voiture : + ou - 900 km

"Water is my eye, most faithfull my love, feathers on my breath, 
Teardrops on the fire of a confession, feathers on my breath..." 
Massive Attack - "Teardrop"




"Just a shadow" - Iphone

Il est 15h30 devant le chateau de « Los Templarios » à Ponferrada, et je suis assis en terrasse en attendant l’ouverture à 16h d’un magasin de souvenirs. Le sens de « souvenirs » me semble ici désuet s’agissant d’objets communs que je vais acheter sur une route d’Espagne, surtout en regard de la dimension de ceux moins matériels qui peuplent déjà mon esprit. Au moins ces objets viendront bien d’ici, et même modernes ils n’en auront pas moins de valeur, par le chemin parcouru pour les acheter. Ils se joindront à quelques autres, plus authentiques, trouvés aux détours du « Camino », que je ramène comme des trophées de mon aventure.






Alors en attendant que les portes ne s’ouvrent, j'écris à l’abri d’un soleil plus fort, un « café con leche » sur la table. C’est un film qui défile devant mes yeux et se substitue à la réalité de ce premier jour de la fin de mon chemin. 
Je ne réalise toujours pas que j'étais encore à Fisterra ce matin, sous un ciel lourd de bout du monde, et que j'ai déjà parcouru plus de 100km en 4 heures de voiture à travers la Galice pour écrire ces lignes…

"Another way home"
Le "groupe" s'est définitivement séparé ce matin en gare routière, après les 2 heures de bus entre Fisterra et Santiago. Pour faire honneur à l'exceptionnelle dernière journée d'hier, pas de larmes, pas d'excès, juste un au revoir simple, chaleureux et émouvant. Des amis en vérité, que j'espère croiser un jour encore, sur une route, dans un bar, au coin de la rue ou au bout du monde. 
Chacun est parti de son côté, dans la direction qui est la sienne et vers la vie qui lui est propre, l’une en Irlande, l’un aux US, l’autre en France. Alors me voilà à nouveau seul. Etonnant retour en case départ, moi qui étais parti pour cela un beau lundi de Juin, il y a deux mois maintenant. La boucle est bouclée. 
Agréablement troublé j’ai loué une voiture pour le retour, et la sensation d’être à bord m’a paru plus étrange encore, moi qui n’ai pas mis les pieds en voiture depuis 2 mois. La vitesse m’impressionne, et je m’amuse de presque provoquer un accident à peine en route. Adieu Santiago, c'est l'heure du retour…


"Burgos"

Quelques heures plus tard les réflexes sont encore les mêmes. Je roule sur une belle route bitumée mais je pense pourtant à la fin de journée, à la lessive, à l'étape du lendemain, à chercher de l'oeil quelque compagnon de route qui aurait poussé son étape aussi loin que moi. Mais il n'y a personne pour me reconnaitre parmi ces dizaines de pèlerins que je croise à grande vitesse. Je roule en voiture, anonyme parmi les anonymes, à contresens de leur objectif qui fut le mien durant ces dernières semaines. Moi je reviens à une réalité et eux s’en échappent, marchant en grappes au bord de la route. Une agréable nostalgie pointe déjà son nez, mais la solitude se fait plus pesante que je ne l’aurai voulu…


J'imagine que ces habitudes sont tellement ancrées en moi maintenant qu'il va me falloir un certain temps pour reprendre un rythme normal, celui d'avant. Je me rappelle la phrase d'un ancien pèlerin me disant : "La dernière épreuve de St Jacques, c'est le retour". Je commence à peine à comprendre le sens de ces mots, qu’est-ce que cela sera lorsque j’en sentirai le poids ? Peut-être est-ce un autre cadeau du chemin : tirer de cet « après » le meilleur parti pour un retour en douce au monde du quotidien. Du moins essayer, bien que je ne sois plus sûr d’avoir tout prévu dans cette aventure. Peut-être en voici venir la partie la plus inconnue : comment vais-je vivre mon retour demain, dans un mois, dans un an ?
Tout cela est déroutant quand on est chaque jour dehors en pleine nature, sans jamais passer deux fois au même endroit, avec chaque jour un nouvel horizon devant soi. 
Revient-on jamais de Compostelle ?
  
"Back through Tosantos" - Selfpic GoPro
J'ai donc décidé de rentrer en prenant le "Camino Francès" dans l'autre sens, et de m’accorder 5 jours pour passer la porte de chez moi, à Cannes. Le rôle commercial du chemin de Compostelle est resté en Espagne sous la forme de routes bien neuves, qui suivent simplement de près l’ancien chemin des pèlerins. 
Ces routes longent littéralement les multiples villages-étapes que j’ai foulés du pied, et je vais vivre à rebours la partie espagnole de mon aventure, à rebours des kilomètres et de mes souvenirs pour en sentir le poids le plus intensément possible. Je vais remonter ces dernières semaines et neuf cent kilomètres en trois jours jusqu'aux Pyrénées
En route je m’arrêterai dormir à Leon et Burgos, puis obliquerais de Roncevaux à Irun pour passer la frontière à Hendaye où une autre voiture de location m'attend. Malheureusement sur la partie française le chemin est si décalé des routes que je ne peux me permettre de le remonter que sur une soixantaine de kilomètres. 
Ensuite je sortirai du chemin de Compostelle pour de bon, et en deux jours je roulerai au plus direct via Narbonne jusqu'à Montpellier pour y prendre un train et rejoindre Cannes. 
L’arrivée. C’est là, ne sachant comment je vais m’adapter, que l’inconnu m’attend…

 

2 commentaires:

  1. On est en Décembre et j'ai l'impression qu'une partie de toi est encore la bas !! En fait tu n'est pas vraiement rentré !! Un vide, un manque, c'est ce que je ressent en te lisant . Mais dit toi que le "camino" est toujours présent et qu'il est devant toi .. Un nouveau chemin, une nouvelle route... Une nouvelle vie..
    Bises a bientot peut etre P.Karine

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  2. Une partie l'est encore oui, elle y restera, mais je sais comme toi que rien ne s'arrête là...
    Merci de m'avoir suivi, à très bientôt !

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