jeudi 27 décembre 2012

LA FIN, JOURS 61/62 : HENDAYE - NARBONNE - CANNES

Vendredi 17 Aout - Samedi 18 Aout



« Such is the way of the world, you can never know,
Just where to put all your faith, and how will it grow…”
Eddie Vedder – “Rise”

Ma dernière nuit en Espagne fut agitée. Dans une « pension » miteuse à Irun, j’ai passé les heures à me retourner sur moi-même, comme si j’essayais de repartir à l’assaut de Compostelle, mes rêves mélangés de noir, de lumière, de terre, de vent, de chaud et de froid. Au bout de ma nuit malgré les 6 heures du matin, je suis parti roder en ville pour un café, attendant de rendre la voiture côté espagnol avant de passer la frontière et revenir chez mes concitoyens. 

"St Bruno" Cartuja de Miraflores, Brugos
Arrivé à Hendaye, je loue une nouvelle voiture et rejoins Narbonne en une longue journée pour y passer la nuit. Sur cette autoroute ruisselante sous la canicule, je ne compte pas une seconde sans penser à ce que j’ai accompli. Tout semble être allé si vite que je me demande presque si je l’ai vraiment vécu. Alors chaque instant est passé à dresser une barrière fragile contre l’inévitable, à grand coup de souvenirs, d’images et d’émotions. Mais c’est bien terminé, le voyage est fini et plus rien ne sera prétexte à laisser ici cette voiture, jeter mon sac sur mon dos et rependre la voie de l’Ouest par la première langue de terre venue. Je dois accepter. Pas tout de suite, mais je le dois…


Un hôtel pour VRP sans charme, plein à craquer de touristes ne sachant plus comment trouver de la place dans la région en cette mi-aout surpeuplée. 
Un hôtel normal, en sortie de ville, zone d’activités. Bondé et pourtant tellement… vide. Mes deux premières nuits hors du « chemin », dans des lits confortables et chambres solo, et pourtant j’y dors plus mal que dans les gites les plus bondés du Camino de Santiago.

Voiture larguée à Montpellier ce matin, et retour au réel, le vrai, l’ambiance à la française. Ca râle, ça piaille, ça se bouscule, ça court. Pourtant je passe au ralenti dans la gare comme un fantôme, soit d’être trop visible soit de ne pas l’être assez. 
Tatoué, en treillis et débardeur, barbu comme un clodo, sac sur le dos, bâton à la main et lunettes de soleil comme rempart aux regards, je sens que les gens m’évitent, et je ne fais rien pour aller à eux. Furtif, je redeviens cet Olivier méfiant et associable dans la fourmilière urbaine, troublé et stressé par manque d’habitude de cette foule grouillante. Le retour de Compostelle est aussi social, et sur ce point-là non plus il ne sera pas facile. La boule dans le ventre, évaporée depuis mon départ, est elle aussi de retour pour me le rappeler…

"Roncevaux" Selfpic GoPro2
C’est de mon train que j’écris ces lignes, les dernières de mon état de pèlerin de Compostelle. Un de ces vieux « Corail » remaquillés en « Téoz » pour nous faire croire que la modernité n’a pas de prix. Désuet, improbable engin de transport dont tout le monde se fout tellement il est banal. Et pourtant il roule et me fait passer plus de kilomètres en 4 heures que je n’en aurai faits en 4 jours de marche. Montpellier est derrière moi, prochaine étape, la gare de Cannes. Une arrivée que je ne réalise pas encore tant je me laisse porter depuis quelques jours, plongé dans mes pensées. On dit qu’il ne faut pas résister au courant dans un torrent au risque de se noyer, alors c’est ce que je fais ici. Je me laisse prendre par le courant, jusqu’à mon retour chez moi…

Je reconnais cette côte sauvage du Sud-Est, et les roches rouges du massif de l’Esterel plongent en arrêtes saillantes dans l’eau turquoise de la Méditerranée. Au bout de la ligne, après le golf de Mandelieu, je vais descendre de ce train en gare de Cannes, et ce milieu d’après-midi me verra reprendre ma vie. 
Celle que j’ai laissée il y a plus de deux mois en pensant revenir juste plus fort, augmenté et satisfait. Ces trois émotions sont certes bien là, mais elles ne sont pas seules. Une ou plusieurs autres, que je n’arrive pas encore à définir, se terrent derrière ma conscience, et je ne sais encore à quoi j’ai à faire. 


Un peu inquiet devant d’inconnus sentiments, je préfère garder la porte fermée vers ce que je ne suis peut-être pas prêt à affronter, ou à reconnaitre. Ce doit être pour cela que j’ai besoin de temps, alors je ne cherche pas trop loin aujourd’hui. J’ai appris la simplicité durant mon pèlerinage, alors je dois prendre mon retour avec simplicité...

Elle est là qui m’attend en gare, cette partie de mon nouveau livre sentimental que j’accepte farouchement d’ouvrir peu à peu, et se jette à mon cou avec plus de conviction que je ne l’aurai jamais pensé. Et c’est son soulagement si vrai qui donne vie au mien, alors je monte en voiture à ses côtés plus rassuré de mon retour. 
Aujourd’hui tout me manque, et rien à la fois. Je suis fatigué mais reposé à la fois. Je veux rentrer mais continuer à la fois. Je suis triste mais content à la fois. La dualité de chaque émotion est telle que la balance de mes humeurs est à l'équilibre, et pour la première fois depuis que mes pieds se sont arrêtés sur cette falaise du Cap Finisterre, je reprends mon souffle. 
Je suis parti deux mois, c’est peu dans toute une vie, mais je sens intimement être parti plus loin et plus longtemps qu’une montre ou un calendrier ne pourront jamais le montrer.
Alors aujourd’hui me voici rentré, et c’est autre chemin qui commence…


Voici sous vos yeux la fin de mon voyage vers Compostelle, mais ce n'est pas ici la fin de mon journal. Des pensées, projets, remerciements, bien des choses doivent encore être dites...
Merci à tous de m'avoir suivi si loin.

1 commentaire:

  1. Et voilà que s'achève ma passionnante lecture. Aujourd'hui en Lorraine c'était jour de neige, beaucoup de neige, alors j'ai remis mes plans (sportif et alimentaire) à demain. J'ai passé la journée à lire le blog. Lecture entrecoupée par la douche, les pauses miam miam, les sorties du chien et je fini avec l'ordi posé sur les genoux et un bol de céréales entre les mains. Ce fut une journée bien sympathique passée "en ta compagnie" et ayant un grand imaginaire je me suis vue en train de faire cette route, avec mes propres yeux, inventant les paysages décris dans tes mots et ressentant presque les mêmes sentiments . Comme quand je lis un livre en fin de compte. Sauf que là j'en connais l'auteur et je me rend compte que sans le savoir quand on s'en rencontré à Paris cela faisait à peine quelques mois que tu étais rentré !

    Un magnifique parcours en tout cas, j'aimerai en dire plus sur ce que j'ai ressenti pendant la lecture mais je manque de mots mais aussi par pudeur, j'espère que tes projets de livre et film verront le jour et c'est avec plaisir que je vais suivre et soutenir l'évolution.

    Au plaisir, bises.

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