Encore merci de m'avoir lu, je suis immensément touché par les messages reçus et honoré d'avoir apporté un peu d'oxygène à ceux qui en avaient besoin...
"DECELERATION"
Samedi 11 & Dimanche
12 Aout
22km + 33km - Temps de
marche : 4h + 8h
"Every nerve that hurts,You heal,
Deep inside of me, oo-oohh, You don't have to speak, I feel...”
Björk – "Joga"
"Down there, close to Him..." - GoPro2 - Photo Olivier |
Une sensation nouvelle,
paradoxale et familière me tape à l’épaule. La sensation du réveil. Comme si je
sortais d’une dimension parallèle, j’arpente les rues de la ville d’un œil
différent, comme si je retrouvais un peu le monde d’avant, celui que j’ai laissé
au Puy. Réveil, et pourtant je sens quelque chose de différent, un changement subtil s'est inscrit en moi. En sortant du
tumulte de la cathédrale je m’imprègne des ruelles anciennes de Santiago pour
tenter de réaliser cet instant, pour qu’il ne passe pas trop vite. L’instant de
l’arrivée. Il est 13h et je peux sortir de la peau du pèlerin, car l’objet de
ma marche est atteint. Au bout de ma quête, je peux enfin m’accorder le repos
de l’esprit pour gouter le trésor de l’accomplissement. Pourtant je ne m’arrête
pas ici, et sortir de cet état de grâce ne se commande pas. Sortir de cet état
de grâce, je ne le veux pas…
Quoi qu’il advienne, quoi
que j’ai accompli jusqu’ici, je dois pousser au bout de la géographie pérégrine,
jusqu’au bout du monde, pour aller au bout du rêve. Cet après-midi, je reprends
le chemin vers la fin de la terre, le Cap Finisterre. De quoi seront faits ces
derniers 90km jusqu’à l’Atlantique ? Comment me sentirai-je en m’éloignant
de ces deux derniers mois comme je m’éloigne de Santiago ? Que vais-je
perdre ou trouver sur cette voie de sortie du pèlerinage que j’emprunte
aujourd’hui ?
Au-delà de ma volonté de
continuer, ces questions représentent une motivation en elles-mêmes. Alors je
les prononce en silence pour sentir ces 3 derniers jours marche me prendre, en
espérant qu’ils ne me rendent jamais à ce monde commun dont j’ai disparu depuis
2 mois…
"Cross path" - GoPro2 - Photo Olivier |
Je retrouve au hasard des ruelles mes trois
compagnons de route, tout aussi hébétés, transis et soulagés que moi. Si chacun
porte ses propres sensations, nous savons qu’il nous faut continuer encore
jusqu’à ce que la mer arrête nos pas. Alors nous reprenons la route, si
familière et pourtant si différente à partir de cet instant. Un virage, une
descente, la sortie de ville, et voilà Santiago derrière nous.
Le changement
est partout et étrange sur cette dernière portion du voyage, car une fois
Santiago atteint la masse des pèlerins s’y arrêtent. Bout du voyage. Seuls les
plus déterminés, ceux qui ont besoin de fouler du pied la fin du monde,
arpentent les chemins devenus déserts de la côte Galicienne. Une fois dans les bois, les files jusqu'alors ininterrompues de pèlerins disparaissent et les marcheurs restants se transforment en ombres isolées et furtives, aperçues du coin de l'oeil entre deux arbres, entre deux virages, presque invisibles lorsque le regard s'échappe au loin.
Et le relief change encore
alors que nous approchons du rivage atlantique. Dès la sortie de Santiago la
chaleur se fait moite et la végétation d’arbre gigantesque rend l’air lourd,
étouffant, brumeux et empli d’odeurs vertes aux tendances tropicales…
"Lost woods" - Canon G12 - Photo Olivier |
En deux jours nous avons
abattus plus de 50km pour rejoindre hier la petite ville de Negreira, puis
aujourd’hui le hameau d’Olveiroa, d’où j’écris ces mots. Mes mains ne sont plus
les mêmes elles non plus, et mes pensées ne se posent plus de la même manière
sur le clavier. Je suis encore en voyage, mais j’ai l’étrange et triste
sensation de fin imminente, de celles qui transforment nos meilleurs instants
en souvenirs.
Durant ces deux derniers
jours mes compagnons et moi sommes entrés dans un cocon d’isolement, duveteux
et surréaliste, où la sensation de perdition revient en force après la frénésie
de Santiago. Je ne repousse plus leur présence, mon pèlerinage est accompli et
je sens le plaisir de leur compagnie devenir normal et légitime. Je marche à
leurs côtés comme si nous passions un simple week-end sportif ensemble, ces
compagnons de bonne fortune, rencontrés au bord d’un chemin, avec lesquels je
partage maintenant une expérience unique.
Aujourd’hui, à la veille de la fin du
voyage, je ressens un parfait équilibre entre mes désirs d’ermitages et les
rencontres faites au fil des kilomètres, et mon voyage prend un sens solide sur
un plan humain. Contribuant à l’équilibre, cet « extra » de 3 jours vers
Fisterra prend lui aussi son sens, celui d’une intense décélération pour le
corps et l’esprit suite aux efforts du pèlerinage.
Doucement, dans les pentes hypnotiques de l’extrême ouest de l’Espagne, je reviens à moi. Je reviens à ce que j’étais
au départ de cette délirante aventure.
Demain, arrivé devant l’océan,
je pourrais même redevenir ce que j’étais avant. Mais je sais déjà que je ne le
serai plus jamais tout à fait...
"La fin d'un jour, à un jour de la fin..." |
"Welcome in the real world" Olivier...
RépondreSupprimerComment te sens-tu aujourd'hui, 2 mois après ton retour?
La vie reprend t-elle sont cours normal? tes vieux démons refont-ils surface ou sens-tu que quelque chose a réellement changé?
Merci encore d'avoir partagé ton ressenti à travers cette expérience unique.
Au plaisir de te rencontrer un jour.
Bonne continuation...
Mince !!! désolée pour la faute, je rectifie " son cours " lol ^^
RépondreSupprimerLa vie reprend son cours, si tant est que "normal" puisse définir ce qui nous convient, ce qui nous fait avancer ou ce qui nous corresponde vraiment... Le normal me semblait plus être sur le chemin de Compostelle que dans notre monde "commun", donc le retour est assez étrange, un peu étouffant.
RépondreSupprimerReprendre le rythme n'est pas facile j'avoue, mais l'expérience en valait largement la peine !
A bientôt et merci
Can't believe I am still looking for you and following you around :).......Old e-mail address still works.
RépondreSupprimerHugs'n'kisses
petitsoleil2003@yahoo.com