« Tell me not to
trip or to loose sight,
You are walking in my
guided light,
Take my hand and help me
not to shake,
Say I’m alright, I’m
alright…”
Sharon Van Etten – “We
are fine”
« AVALES MOI… »
Départ de Figeac ce matin
à 8h piles. Je jette le sac sur mon dos, et le voilà qui reprend sa place de la
manière la plus naturelle qui soit. Pas besoin de réglages, pas d’oublis dans
les sangles, je reprends mon statut de tortue, et ma maison sur le dos je
traverse la ville sous un ciel nuageux jusqu’à la première balise.
Ces deux traits
horizontaux rouge et blanc, marquage des GR français, sont nos guides et nos
protecteurs sur des kilomètres de sentier, et je rends chaleureusement grâce à
ce début de route pour me permettre de revoir à nouveau ces symboles
salutaires. Ceux qui jouent avec nos nerfs, à disparaitre parfois durant des
centaines de mètres, pour réapparaitre peints sur une roche, sur un tronc
d’arbre ou un coin de bâtisse, et nous montrer le chemin juste au moment où
l’espoir nous abandonne. Il arrive parfois qu’ils s’absentent de notre champ de
vision assez longtemps pour que l’assurance d’avoir pris la bonne direction se
transforme en panique vertigineuse d’être perdu sans repères en pleine forêt.
Car au milieu de nulle part ces deux marques sont le seul support de notre
confiance.
Alors je relie à nouveau le grand tracé pointillé des balises, et l’une
me jetant vers l’autre je me fond dans l’oubli d’un vieux chemin de pèlerinage…
Le chemin m’avale à
nouveaux. La sensation est instantanée, et je me rends compte que je reprends
immédiatement la route, tant physiquement que spirituellement, là où je l’avais
laissée deux ans plus tôt. Je pensais n’être jamais vraiment revenu de Compostelle,
cette sensation est partagée par de nombreux pèlerins. Et ce sentiment se
valide aujourd’hui encore tant les choses semblent à leur place en ce matin
d’aout.
A nouveau je me sens en
mission, plein d’un espoir neuf et de nouveaux horizons, et le sentiment est
incomparable avec une randonnée classique. Le Chemin de Compostelle est une
expérience à part entière, qui repose sur une alchimie qui nous dépasse,
présente en tout temps et plus tangible qu’une simple émotion. Quelque chose se
passe ici, il suffit d’en sortir et d’y revenir pour comprendre que le
« Camino » nous habite de manière aussi concrète que les kilomètres
qu’on y cumule.
Alors me voilà marcher à
nouveau, avec un plaisir débordant, des sensations familière et cette
détermination si claire et lumineuse qui m’avait conduit jusqu’à Fisterra il y
a deux ans. Les sens en éveil, le cœur débordant, les jambes douloureuses et la
sueur au front, je passe de chemins en routes, de montées en descentes, en
savourant chaque pas, chaque effort, pour comprendre enfin que le temps qui
passe n’est soumis qu’aux exigences du quotidien. Là, à nouveau offert au
pèlerinage et à la relativité qu’il imprime aux standards modernes, il reprend
sa course naturelle, fait de lenteur et de générosité. Cette course du temps qui
m’avait tant libéré il y a deux ans, voilà que je la sens à nouveau, en à peine
quelques kilomètres de marche.
"Back to the roots" |
Et là encore le Chemin m’offre un cadeau de retour. Comme à mon habitude je ne réserve pas ma nuit, or le gîte local est plein. Mais in-extremis Henri le propriétaire de la Halte de Lacapelle me propose un lit de dernière minute. Encore merci Henri pour ton accueil et ton esprit, grâce à toi c’est la providence qui se joint aux retrouvailles…
"Clear Lake" - GoPro, photo Olivier
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